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Le film du mois : « Dans la cour » de Pierre Salvadori

Le film du mois : « Dans la cour » de Pierre Salvadori

Avant, on disait concierge. Le vocabulaire a changé. Prononcer : gardien. Pourquoi ? C’est ce que doit penser ce musicien en pleine crise quand on lui propose cette place à l’ANPE. Il ne veut plus jouer dans l’orchestre, alors ça ou autre chose. L’immeuble n’est pas au mieux de sa forme. La loge donne sur la cour. Excellent poste d’observation. Il y a de quoi faire. Coup de chance : Deneuve habite là. Magie, folie du cinéma qui imagine Deneuve retraitée dans l’est parisien. L’actrice est si douée que cela ne choque pas. Elle a peur que le bâtiment s’effondre. Tout ça parce que dans son appartement il y a une fissure au plafond. Son mari la regarde d’un drôle d’air. Elle se demande s’il ne veut pas la faire enfermer. Heureusement, le nouveau gardien est là. Il la comprend. Avec lui, elle a le droit d’organiser des réunions de copropriété, de tartiner en chœur des petits fours, de dévoiler ses regrets et sa solitude.

Lui, c’est un numéro. Il asperge les pavés en s’amusant avec le jet, passe le balai sur le palier à trois heures du matin, garde en douce le chien d’un vigile ukrainien, aide un locataire à planquer les vélos qu’il a piqués. Pour sa part, il vole des rosiers dans les jardins publics. C’est pour les replanter en pot. Salvadori file une chansonnette bien à lui, plaisante, mélancolique. Il filme à la paresseuse, dévoile les travers des occupants. Il y en a qui sombrent dans le mysticisme, d’autres qui se méfient des démarcheurs. La plupart vivent à côté de leur vie. Ils trouvent ça triste, ils trouvent ça gai. Cela dépend des jours. Le quotidien se révèle ici d’une complexité étonnante. Ce voisin qui la nuit aboie par la fenêtre… C’est comme si Kafka avait rencontré la comédie italienne. La douceur règne sur ces séquences banales, faussement tranquilles. Petit film qui en dit peut-être plus long que bien des chefs d’œuvre.
E.N.

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