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Cap sur Belle-île, cornes de bouc !

Cap sur Belle-île, cornes de bouc !

fourchette

Pour ne rien vous cacher, je me suis souvent calé le tambour avec des sardines et maquereaux griffés la Belle-Iloise, sans savoir d’où ça venait. Ignare que je suis, je n’avais jamais fait le rapprochement avec Belle-Île, au large de Quiberon, où Hergé repéra l’Île noire, où Dumas fit mourir Porthos, où Vauban fortifia Le Palais, où les abeilles noires font un miel du tonnerre. Je ne connaissais que la chanson de Laurent Voulzy, “Belle-Île en mer, Marie-galante…”, reprise en chœur à l’époque par Françoise Verny, Yann Queffélec et le regretté Jean-François Josselin, sous l’emprise de boissons qui tabassent, au bord de la piscine du Castel Clara, un hôtel de rêve, palace super laubiche, repaire de quelques flibustiers du flux dardant, où l’on retapisse parfois maître Kiejman, Pierre Nora et Anne Sinclair, et où les tarifs du séjour vous font croire que les socialos, toujours fidèles à Incompétent 1er, roi des loquedus, n’ont pas d’écueil dans leur larfeuil. Le plumage, hélas, n’a rien du ramage. Question bectance, tout est chichiteux et trop cuit. En revanche, juste à côté, il y a la Désirade, où le daron répète sans cesse « c’est moi le propriétaire », mais où la cuistance slalome au loip entre les bouchons, la formule grain de sel et un homard qui ne m’a pas tué. C’est abondant, bien servi, avec des poissons cuits à la perfection, des gisquettes qui tortillent, des goguenots qui tintent (notamment le collioure), un service force quatre qui vous enthousiasme le Tabarly. Naturlich, le jus d’échalas n’est pas la spécialité du Morbihan, mais dans une région sans vitriol, on se soigne le pape avec des blancos aptes à vous endimancher le coco, poussant la convivialité jusqu’à se ramasser une pistache.

Au loinqué, dans le jojo petit port de Sauzon, on se remplit l’estogom avec le cœur dans les étoiles, au Café de la Cale, où les Gillardeau (pourtant pas du coin), le crabe farci de Barbe-Rouge (Cornes de bouc !), le tartare de lieu (pas commun) et l’exceptionnelle sole meunière, vous permettent de reluquer les mokos qui se poivrent devant les catas, la banane jusqu’aux tongs. La terrine de traviole, on songe alors à la divine jument Sarah Bernardt, installée dans le petit fort militaire des Poulains, où les drisses gambillent la mazurka, qui passait des fricassées à ses amis en évoquant les îles Sandwich, et qui, bonissait-elle, « se repose en se fatiguant ». Les mouettes, là-bas, dans une déco d’émeraude et de falaises immémoriales, viennent vous becter dans la pogne. Gaston Lagaffe serait aux oignes.

Aux oignes, on y est dur de dur au Roz Avel, toujours à Sauzon, déco frégate, dans une venelle qui grimpe, avec figuiers et roses trémières. Imaginez le petit restau strapontin, à la bonne franquette, sans mandoline, qui vous rappelle que les épices s’entichent obligado des produits de la mer. Par tous les diables de l’enfer, comme disait Barbe-Rouge, c’est l’éclatade du gazomètre, du quinquet et des bonbons ! Comme dans la Madelon, les serveuses sont jeunes et jolies, prêtes à vous tirer la langue (au foie gras) et à vous flatter la raie (aux câpres). Le turbot fanfaronne de l’arête dans un délice de légumes croquants à souhait, et l’Aubance, moëlleux de la Loire, vous déculotte les fortifs avec un petit goût de vendanges tardives pas piqué des tututes. C’est diablement inventif et sage à la fois. La penseuse et le trou à soupe sont à la festaga, biffant le souvenir douloureux de ces émigrés débarqués à Quiberon en 1795, cons comme la lune, étrillés par Hoche près de Penthièvre, fusillés en prime. Moralité, chers insulaires, évitez de vous secouer la poêle à marrons avec des malfaisants de n’importe quelle pilosité !
J.M.

Voir également

Castel Clara, Bangor, 02 97 31 84 21. Carte : 120 €.
La Désirade, Bangor, O2 97 31 70. Carte : 80 €.
Café de la Cale, Sauzon, 02 97 31 65 74. Carte : 60 €.
Roz Avel, Sauzon, 02 97 31 61 48. Carte : 70 €.

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