De Saumur à la saumure !

Le petit tour à Gennes, surtout quand il y a du plaisir, s’impose les doigts dans le tuf. L’endroit est choucard, chic et mignon, en bordure de Loire, avec maisons troglodytiques, château de Monsoreau (ah, les Diane et Bussy de Dumas !), abbaye de Fontevraud (où était incarcéré Jean Genet), savonnerie Martin de Candre, et partout cette pierre de tufeau (tuf) blanche et tendre, où obligado, on a la prune sur le chouettard. Donc, à Gennes, il y a l’Aubergade, où le chef Bodin, qui a du pot, concocte une tortore aux pommes, à vous faire lancequiner des châsses. C’est à quinze bornettes de Saumur, où le château nous ravit les douves, avec un écrasé de pomme de terre à l’anguille fumée à tomber, une chaleureuse déco rehaussée par la charmante Marjolaine (toi si jolie !), des flacons de Saumur qui ont de la mousse, une opulence rabelaisienne, et des plats qui font croire que le Bodin, pas mondain du tout, participe à une excellence culinaire. C’est bon, soigné, savoureux, bien exécuté. Bodin mériterait amplement une étoile, même s’il a déjà trois toques chez Gault-Millau. Son sandre au beurre blanc et son pigeonneau royal, à l’ancienne, vous mettent les légumes dans la chique, le baigneur au mixer, le bonheur dans le pré. Pour quatre-vingt euros par tête, quand on a un trou sous le nez, avec cochon et croûte en polka, c’est le bigarreau assuré. Vive l’Aubergade !
L’Aubergade, 7 avenue des Cadets-de-Saumur, 49350 Gennes, 01 41 51 81 07. Menu : 29€. Carte : 80 €.
En passant par Saumur, ville décrite par ce gros pécore de Balzac dans “Eugénie Grandet”, et où Vendéens et Républicains s’étripèrent en 1793, il y a justement “Les Canons”, boum badaboum, un estanco modern style qui sent la poudre, avec bombitas en salade et grosse mèche dans la bouffarde. Exactly, sir ! Ici, c’est un bar à vin, un bouclard à tapas, où les produits sont de première main, comme le cochon et l’agneau, déclinés en quantité pantagruélique, telles la tête gribiche pas piquée du Ravachol et une souris qui accouche d’un éléphant (un gigot dans l’assiette !), le tout arrosé par des rouges d’Anjou à vous titiller la couenne. Le Côte de Saumur, lui, digne d’un grand liquoreux, vous michetonne le biberon, surtout au moment fatidique de la maousse terrine de cochon et du sublime tartare de thon. Pour ne rien gâcher, le restau est sur la place Saint-Pierre, entre le très branchouille Kearting (steak and wine) et le très flingueur “Les Tontons”. C’est pas le buzz, ça ?
Les Canons, 2 place Saint-Pierre, 49400 Saumur, 02 41 38 92 97. Menu : 30 €.
Lui, dans le Neuvième, il vous met un peu la rate au court-bouillon, pour ne pas dire le pain au lait en saumure. Lui, c’est Santiago Torrijos, un Colombien qui ne s’est pas évadé du cartel de Medellin, mais qui a œuvré pour Robuchon et Guy Marttin, raison pour laquelle il a el cabezon en surchauffe, cloquant quelques larmes colorées dans l’écuelle avec l’idée de vous en mettre plein la saumure. Dans son rade fringué arty, un tantinet tape-à-l’œil, le Colombien n’a pas de Colombine, mais il colombine sérieux dans le chichiteux, l’os de moustique et le touche-pipi gustatif. C’est parfois bon, mais franchement, entre l’anguille fumée au lait de chèvre, aux poireaux brûlés et à la purée d’herbes, et la raviole de chair de poule (glagla !) à l’œuf cuit à basse température, on gratine vraiment du plat de nouilles. Il y en a trop, on s’y perd. Le lieu noir aux graines de tournesol, au panais, aux pomelos et à la sauce cacahuète (pi-rouette !), rivalise de préciosité inutile avec le filet mignon de cochon au jus de cidre et aux raisins secs. Ce côté fooding bio comme un spermato nous court sérieux sur le haricot. Olé, Santiago ! On veut du mordieu, du bidard, du Depardieu ! Du Saumur, pas de la saumure !
L’Atelier Rodier, 17 rue Rodier, 75009 Paris, 01 53 20 94 90. Menu : 41 €.