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Dino Risi, un monstre plein de tendresse

Dino Risi, un monstre plein de tendresse

Le regretté auteur de “Parfum de femme” se penche sur son passé.

Dino Risi a disparu en 2008. À quatre-vingt-onze ans. À son actif, une bonne cinquantaine de films, de nombreux courts-métrages. Sans compter des scénarios et des films pour la télévision. Réalisateur prolifique, donc, mais pas seulement. Une personnalité forte, à l’instar des Fellini, Rossellini, Visconti et autres Pasolini qui marquèrent de leur empreinte le cinéma de leur temps. L’un des auteurs majeurs, sinon le maître, de cette comédie à l’italienne qui florissait dans les années 60 et 70. Un Âge d’or. “Parfum de femme”, avec l’inoubliable Vittorio Gassman, c’est lui. Et aussi “Le Fanfaron” et la série des “Monstres”, déclinée en trilogie entre 1963 et 1982. Prolongée ici, sous le même titre, par d’autres moyens. Une manière d’autobiographie pour laquelle le stylo remplace la caméra. Initialement publiée dans son pays en 2004, elle prend valeur de testament. Une autobiographie informelle, du reste. Plutôt des souvenirs (les Italiens préfèrent le terme de « confessions »), ressurgis au gré de la mémoire, écrits au fil de la plume, livrés sans souci chronologique. Des instantanés. Une succession de plans-séquences dont l’ensemble finit par constituer tout un univers.

Et quel univers ! Coloré, truculent. Plein de tendresse et d’ironie. Des anecdotes piquantes ou drôles. Des choses vues. Des personnages attachants, ridicules, attendrissants, pittoresques. Outranciers parfois, égocentriques souvent. Des monstres, en un mot. Tous figurant « la forme entière de l’humaine condition », eût estimé Montaigne. Comment ne pas se reconnaître en eux ? Dans leur diversité, ils nous tendent un miroir. On croise dans ces pages le Tout-Rome du cinéma, et d’abord les amis de l’auteur, dont Alberto Lattuada ou Vittorio De Sica. Ses acteurs fétiches, outre Gassman, complice pétri d’humour, Alberto Sordi, Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, séducteur impénitent, bien d’autres. Des divas capricieuses, Ava Gardner, Alida Valli. Touchantes, comme Sofia Scicolone qui n’était pas encore Loren ou Laura Antonelli. Impérieuses, telle Romy Schneider. Sur nombre de ces souvenirs, flottent les effluves des parfums de femmes. Risi les a beaucoup aimées. Il leur rend un hommage à la fois fervent et amusé.

C’est que chez lui, la légèreté n’exclut pas la profondeur. Ni l’émotion. En filigrane, la perspective de la vieillesse et de la mort, évoquées l’une et l’autre avec discrétion. Prétextes à un hymne à la vie, goûtée avec la même gourmandise que lorsqu’il la captait avec sa caméra. « Observer la vie. Et ses couleurs. Les couleurs de l’aube. Je n’ai jamais revu une aube comme celle que je vis dans le troisième acte de Rigoletto, assis à côté de mon père dans un fauteuil de la Scala… ». Quant à la mort, elle sera, assure-t-il, « superbe et riche en surprises ». Acceptons-en l’augure. Comment douter d’un tel visionnaire ?
J.A.

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Mes monstres, de Dino Risi, traduit de l’italien par Béatrice Vierne, préface de Samuel Brussell, de Fallois, L’Âge d’Homme, 254 p., 19,50 €.

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