Houellebecq : la poésie, ma bite et moi !

La poésie, cet animal si peu solide sur ses pattes, n’avait pas besoin de ça. Mais il y a une société cruelle (un pléonasme) qui s’attache à tirer sur le gibier sans défense, à lui faire avaler son acte de naissance avec d’étranges armes. Des arguments chimiques. Des pauvretés contagieuses mais envoûtantes par leur caractère Instamatic. C’est n’importe quoi donc c’est beau. C’est du génie. Comme tout disparaît lentement, sans qu’on y prenne garde, et que la beauté s’appelle Kookaille ou Acheéème, et que non mais t’as pas de shampoing quoi, et que les centurions de l’intellect paradent en tournant sur eux-mêmes, derviches emportés dans leur vacuité, on ne s’aperçoit pas que les crimes les pires sont les crimes les plus doux.
Pour recoiffer la pensée unique en se débrouillant pour, chacun possède une bombe de laque. La maison Flammarion, par exemple, a la sienne. C’est la bombe H. Tout l’attirail, toute la panoplie de ce qu’il faut pour faire croire à. Pour faire croire que. La dernière explosion de cet instrument à fragmentation fait un peu plus oublier qu’il existât des Mallarmé, des Valéry et des Verlaine, ce dont l’intelligentsia d’aujourd’hui se fout dans les vastes grandeurs. Au fond, nous aussi on s’en foutrait de cette « Configuration du dernier rivage » de Monsieur Houellebecq qui mélange la carte, le territoire et l’absence de perspective. Nous aussi on s’en foutrait si ces vers ne sentaient autant la dilettante arnaque, la configuration du dernier foutage de gueule à désespérer Boulogne, Billancourt et les lecteurs d’Alain Borne, pour ne citer que lui et tant d’autres mutilés de la poésie. La poésie devrait monter au ciel, mais elle s’est enfoncée sous terre depuis que quelques instances administratives, mathématiques, abstraites, lui ont fait mordre la poussière dans les années 70.
Le corps est toutefois en cours de réanimation. Des gens, des courageux, tentent d’en reconstruire la façade, privilégiant les fenêtres, laissant entrer la lumière. Mais non, il faut qu’un type, Goncourt par dépit, épave par vocation – c’est d’un chic – montre sa bite sans son couteau, invente la rime low cost pour faire se pâmer la haute autorité des sergents-majors de la littérature, émoustillée et frémissante. Lisons les poètes. Les poètes. Les vrais. Poète. Prononçons ce mot. Les vrais poètes ne sont pas si difficiles à trouver. Nombre d’éditeurs en proposent. Ces auteurs-là sont reconnaissables à ce qu’ils ne laissent pas ce sentiment de vide et de désespoir qui se dégage des plateaux de télévision désertés quand le cirque des apparences s’est éteint.
P.V.
Configuration du dernier rivage, de Michel Houellebecq, éditions Flammarion, 104 pages, 15 €.