La gloire des Billoux

Le Jean-Pierre, je le connais depuis une paye. Il a été formé par des vieux de la vieille, Dumaine (La Côte d’Or à Saulieu) et Humbert (le super saucier de Maxim’s), des cadors du piano qui ne s’allongeaient pas la couenne avec du yuzu. A l’époque de Digoin, épaulé par l’épatante Marie-Françoise, Billoux avait de la tige. Deux macarons au Michelin et une tortore à vous faire gnognoter du poireau. Aujourd’hui, à Dijon, dans la belle ville de Rebsamen (l’ex-ministre du travail qui a eu bien raison de laisser tomber Incompétent 1er et de revenir dans son terroir), il règne sur la place de la Libération (signé Hardouin-Mansart), en face du magnifique Palais des Ducs, qui abrite l’exceptionnel Musée des Beaux-Arts. Ici, dans l’été finissant, on fête Louis XIV. En souvenir du formidable Loiseau (excusez l’accumulation des adjectifs, mais il y a des gaziers qui méritent le superlatif), avec qui Jean-Pierre buvait des coups et tapait le carton, le Pré aux Clercs (une seule étoile au Michelin), c’est du Lully. On danse, on chante, on se régale le mirliton avec des plats à croustiller des noisettes. On vous recommande la fraîcheur d’écrevisses, des pattes rouges préparées par Alexis, le digne rejeton de son dab, avec brunoise de légumes, consommé et glaçon d’écrevisses, un plat fulgurant, éblouissant de finesse. Le père et le fils au piano, vous voyez un peu la passacaille ? L’exquis Jean-Pierre, qui a toujours affectionné les champignons, travaille les cèpes, les morilles et les girolles en pistoléro du jus de cuisson. En goûtant l’omble chevalier et le coffre de pigeon rôti, cuisse farcie, rhubarbe confite et jus de carcasse, le gars qui a du caisson se prend pour un fifre à pédale. C’est Byzance en pleine moutarde (à Dijon, rien de plus normal). Et au risque de passer pour un cuistre, on ne cause même pas de l’œuf cocotte aux truffes, du carré de veau aux girolles ou du sandre poêlé au vin jaune ! D’autant que les Billoux, secondés au goulot par le sémillant Patrice, vous défrisent le papillon avec des pernand-vergelesses et des chambolle-musigny à vous morganer les boules de Siam. Voyez-vous, jouvenceaux et jouvencelles, les Billoux qui méritent fastoche un deuxième macaron, savent flatter l’obélisque jusqu’au trèfle. Ce sont des épées. Or, pour se requinquer le gobelot, rien de tel !
Le Pré aux Clercs, 13 place de la Libération, 21000 Dijon, 0380380505. Menus : 55 et 98€. Carte : 90€
A quelques bornettes de Dijon, en direction de Beaune, non loin du château de Clos Vougeot et de l’abbaye de Cîteaux, le château de Gilly est une merveille architecturale assez mastoque, avec parc immense, piaules grand siècle, mais confort tocasson (boucan, petite télé, pas de climatisation…) Pour un Cinq étoiles, ça la fout mal, d’autant que l’accueil est empaqueté, assez jobard, très pomme à l’eau, et que la table ne vaut pas une broque. Autant la cantine est superbe, ancien cellier des moines avec une salle voûtée aux croisées d’ogives soutenues par des piliers, autant l’assiette est béchamel, relativement blécharde. Au Clos des Prieurs (blaze de l’estanco), tout commence par un accueil à -15° (on a l’impression de gêner), avec une Madame Mim aussi aimable qu’un gardien de prison. Dans la foulée, mes agnelets, on attend une plombe pour la commande. La tortore est touristique, batave et flamande, très flaquedalle, tranche de céleri, comme un comptoir sans verre. Bref, on est censé se faire mousser le comique et se compter les poils avec du saumon, des gambas et du cabillaud (mets exclusivement bourguignons !), un suprême de volaille trop cuit, du foie gras à la fraise (beurp !), un sandre mou du genou, tout le toutime à l’avenant. Bref, pas de quoi s’agacer le sous-préfet. C’est beau, okay des brumes, ça raque, mais pour le reste, on pète le loup à vous étouffaresse le perroquet. Pas de quoi faire gilly gilly sous le faubourg des cisterciens. Allez en paix, mes frères !
Château de Gilly, Gilly-lès-Cîteaux, 21640 Vougeot, 0380628998. Menus : 39€, 58€, 78€.