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Le film du mois: « La grande belleza » de Paolo Sorrentino

Le film du mois: « La grande belleza » de Paolo Sorrentino

Heureusement qu’elle tarde à venir. Rome étant toujours le meilleur endroit pour attendre la fin du monde, cela permet à Sorrentino (“Il divo”) de mettre ses pas dans ceux de Fellini. Rappelez-vous, “La dolce vita”, Mastroianni descendant la via Veneto, Anita Ekkberg dans la fontaine de Trevi. Apparemment, rien n’a changé. Les romanciers n’écrivent plus de livres. Ils se contentent de signer dans des journaux dirigés par une naine. Ils rentrent chez eux à l’aube. Les fêtes sont tristes, la chair aussi. Parfois, la nuit, ils croisent Fanny Ardant dans la rue. Clin d’œil à Anna Magnani. Les références sont nombreuses. On joue à les repérer. La séance chez le chirurgien esthétique évoque le défilé de mode ecclésiastique dans “Fellini Roma”. La visite privée des palais se confond avec les fresques du métro s’effaçant à cause de l’air pollué. Il y a des actrices ratés, un couple d’aristocrates louant ses services pour apparaître dans les dîners. La mondanité est une ronde infernale, sans cesse recommencée. Un cardinal égrène des recettes de cui- sine. Il y a un mariage et un enterrement. Des flamands roses se reposent sur une terrasse en face du Colisée. Une sainte de 104 ans pousse son dernier soupir. Une girafe se volatilise au milieu des ruines antiques. Un amour de jeunesse ne se laisse pas oublier. Il flotte sur ce cauchemar en technicolor une mélancolie tenace, une nostalgie bercée par des airs à la Celentano. En voix-off, Toni Servillo récapitule ses regrets. Il y en a trop. Une phrase de Céline sert d’exergue. Le pessimisme règne. La civilisation occidentale continue à s’écrouler, entre deux numéros de strip-tease et deux lignes de coke. On ne va pas en faire un drame. Juste un excellent film.
E.N.

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