La mode des titres à rallonge

C’est très marketing, mais plus les titres de livres sont longs, plus on reste sur sa faim.
Les titres à rallonges auraient le vent en poupe… Ces temps-ci, le tout premier d’entre eux à afficher des mensurations XXL “La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel” est signé par Romain Puértolas. Si ce diable de conteur n’a pas son pareil pour faire avaler des métaphores nuageuses à une petite fille atteinte de mucoviscidose, il fait en revanche monter un peu trop vite la mayonnaise du politiquement correct et l’effet de surprise n’y est plus… Même tendance à la fantaisie roborative dans “Comment les grands de ce monde se promènent en bateau”, un premier roman historico-burlesque de Mélanie Sadler. Conformément à ce qui est annoncé, l’auteur nous mène bel et bien en bateau, d’abord avec le nom de son personnage principal, J-L Borgès (à ne pas confondre avec un écrivain bien connu), puis avec une brochette de citations pour Indiana Jones en herbe. Si trépidant soit-il, ce voyage au pays des manuscrits aztèques manque curieusement de style. Pas la moindre « petite musique » dans cette intrigue tarabiscotée qui relève surtout du bon produit marketing. L’élève Sadler peut-elle mieux faire ? L’avenir le dira… Pour l’heure, c’est à se demander si ses admirateurs, déjà fort nombreux, l’ont bien lue ou s’ils n’ont pas été anesthésiés par des signes extérieurs de savoir.
Chez Corti, le dernier Picard se drape, lui aussi, d’une couverture avec sujet, verbe et compléments. Georges Picard qu’on qualifie souvent d’écrivain pour écrivains, ne cherche pas – et c’est sa grande force – à épater qui que ce soit. Fidèle à lui-même, un peu ronchon et râleur à ses heures, il s’en prend gentiment mais sûrement à la « déchéance cathodique », aux « égouts de la colique verbale » et autres impasses de notre époque. Voilà déjà quelques bonnes raisons de le lire… Dans cette course au titre le plus long, le seul à tirer son épingle du jeu n’est pas Gabriel Matzneff qui résume en une cinquantaine de signes son sempiternel voyage au bout de lui-même, ni même Eric-Emmanuel Schmitt qui refait surface en poche avec “Les Dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus”, mais Charles Baudelaire qui, lui, au moins, n’a plus rien à prouver. “Comment on paie ses dettes quand on a du génie”, pourrait même donner un petit coup de pouce à nos amis Grecs… Mais, ça c’est une autre histoire…
V.-M.M.
La Petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel, de Romain Puértolas, Le Dilettante, 254 p., 19 €.
Comment les grands de ce monde se promènent en bateau, de Mélanie Sadler, Flammarion, 149 p ., 16 €.
Merci aux ambitieux de s’occuper du monde à ma place, de Georges Picard, Corti, 149 p., 17 €.
Comment on paie ses dettes quand on a du génie, de Charles Baudelaire, GF Flammarion, 235 p., 7 €.
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