Le film du mois : “Au bout du conte”

Eric Neuhoff est journaliste, écrivain, scénariste et critique cinéma. Il…
“Au bout du conte” d’Agnès Jaoui.
La tuile. Une voyante vous a prédit la date de votre mort. Pour Jean- Pierre Bacri, cela tombera le 14 mars. On a beau ne pas croire à ces salades, cela fait un choc. Le jour approche. Ce moniteur d’auto-école ne peut s’empêcher d’y penser. Il ne croit à rien, mais quand même. Autour de lui, les gens se bercent davantage d’illusions. Agathe Bonitzer attend le prince charmant. Les filles de milliardaire ont droit à ces caprices. L’objet rare se rencontre dans une soirée et se reconnaît à ce détail: il a perdu une chaussure. Agnès Jaoui inverse les clichés, retourne les situations comme des gants, s’interroge sur les fées. Est-ce qu’elles existent ? Dans la vie, la morale est-elle la même que dans les contes ? Vit-on vraiment heureux avec plein d’enfants ? Il est permis de chercher ici des références. Tout le monde a lu des trucs comme ça.
Aujourd’hui le grand méchant loup a les traits de Benjamin Biolay. On l’identifie à sa tendance à marmonner. Agnès Jaoui joue elle-même la gentille marraine. Elle ne sait pas conduire, se trouve nulle, pousse de gros soupirs derrière son volant. Bacri enchante. Il apparaît et toutes les fables volent en éclats. Il s’ennuie aux dîners de fiançailles, adore sa solitude. Le romantisme se réfugie au Conservatoire de musique. La vilaine marâtre de Blanche-Neige est une blonde au visage aussi refait que les berges de la Seine version Delanoë. Cela va vite, prend des chemins de traverse. Le bonheur réside dans la digression. Ce royaume du farfelu a des allures kitsch. Il est bourré d’humour et de gravité. L’amour n’est pas toujours cette région noire, peuplée de cris et de larmes. Le film est ahurissant de liberté. À propos, ne nous dites pas que ce journal sera en vente le 14 mars. Aïe. E.N.
Eric Neuhoff est journaliste, écrivain, scénariste et critique cinéma. Il anime la chronique consacrée au « Film du mois » au sein de « Service Littéraire », dans la page « Sortir la nuit » en référence à Paul Morand. Parce que c’est ouvert la nuit, en 8ème de couverture. Ou, selon la genèse, l’obscurité précède le jour, comme les salles enténébrées de cinéma devancent la réalité. Néo-hussard, il obtient le prix des Deux Magots (Barbe à papa, Belfond), le prix Interallié (La petite Française, Albin Michel), le Grand Prix de l’Académie Française (Un bien fou, Albin Michel). Chroniqueur au sein des émissions « Le Fou du Roi », « Le Masque et la Plume » ou « Le Cercle », il anime aussi une rubrique au sein de « Madame Figaro ». Eric Neuhoff est chevalier de l’ordre de la Légion d’Honneur.
Bacri et Jaoui, ou quand le glas n’a pas encore sonné.
On s’étonne que plus personne n’aille au cinéma? 20 ans de Jaoui, de Besson, de Thomson… Marre de leurs sales gueules, de leur humour pas drôle et surtout de leur « génie ». A quand le renouveau?