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Le mystère du trouble et de la zizanie

Le mystère du trouble et de la zizanie

Une parabole sur la condition humaine avec une corde et quelques nœuds.

Un récit composé de brefs chapitres qui suivent l’ordre chronologique. Située dans un temps non daté, mais qui pourrait presque être médiéval, l’intrigue a pour cadre un tout petit village et pour prétexte… une corde, surgie on ne sait d’où ni comment de l’obscure forêt qui le jouxte. Follement intrigués par cette corde, à la veille de la moisson, les villageois ajournent leur récolte, pourtant vitale pour eux, et partent en expédition à travers ladite forêt pour en trouver l’origine. Laissant femmes et enfants, les explorateurs improvisés vont s’y perdre pour tenter d’en percer le mystère. Ils y rencontreront des meutes de loups affamés qui les suivent à distance, et qu’il faudra affronter pour pouvoir continuer leur marche…

Chemin faisant, ils découvriront aussi un village totalement abandonné il y a très longtemps, et s’empareront de tout ce qui peut leur être utile. Difficultés, antagonismes et nécessités de survivre émaillent leur parcours. D’une durée toujours prolongée, leur équipée est marquée de plusieurs incidents graves jusqu’à la découverte inopinée par ce qui reste de leur colonne, d’une autre corde, qui vient croiser la « leur » en formant un X. Laquelle suivre, désormais ? Avec ses pertes et ses nouveaux manques, la petite horde, désemparée, finira, un peu trop tard, par rebrousser chemin et revenir bredouille, avec autant d’incertitude sur son origine qu’au départ. Quête absurde ? Oui et non, car elle nous offre une parabole sur l’humaine condition, qui est toujours un aller simple menant à une fin ignorée des apprentis sorciers que nous sommes. Fin qui sera peut-être la fin de toute chose.

On chemine ici grâce à une écriture pointilliste qui évite tout recours au spectaculaire, et ce n’est pas là le moindre de ses mérites. Diplomate de carrière comme le furent chez nous Claudel et Giraudoux, Stefan aus dem Siepen en est à son troisième roman, mais celui-ci est le premier publié en français. Comment l’irruption de l’insolite au sein d’une petite communauté jusque là soumise à ses règles parvient à semer le trouble et la zizanie, c’est ce que cette fiction, conduite d’une main légère mais sûre réussit à nous faire partager en nous rendant cette fièvre des origines étonnamment contagieuse. Pour cet inconnu au bataillon, soyons sans crainte : Stefan aus dem Siepen ne le restera pas.
A.M.

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La Corde, de Stefan aus dem Siepen, traduit de l’allemand par J.M. Argelès, Ecriture, 154 p., 16,50 €.

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