Le nanar du mois : “ La vraie vie des profs ”

Écrivain et critique cinéma au Nouvel Observateur, dernier ouvrage paru…
“La vraie vie des profs” d’Emmanuel Klotz et Albert Pereira Lazaro.
Chaque mois, on se dit que, cette fois, on a touché le fond. Et puis débarque un Ofni, entendez un Objet Filmique Non Identifié, qui repousse les limites de la nullité. “ La vraie vie des profs ” est à ce titre un véritable cas d’école… ce qui tombe plutôt bien pour un film qui se déroule dans un collège.
L’idée de confier aux réalisateurs des “Lascars” un scénario inspiré à Alexandre Jardin par une tournée de sensibilisation à la lecture dans de nombreux établissements scolaires n’était pas a priori mauvaise. Le résultat s’avère, en revanche, cataclysmique. Le scénario glisse sur du velours : des sales gosses de cinquième contraints de faire cause commune avec les forts en thème qui éditent le journal de l’établissement, entreprennent de s’immiscer dans la vie de leurs enseignants “comme des grands” et découvrent combien le monde des adultes peut se révéler aussi pitoyable qu’impitoyable. Le hic, c’est qu’ici tout est caricatural, sans jamais être spirituel. On n’est ni dans “La guerre des boutons”, ni chez “L’élève Ducobu”, ni même parmi “Les beaux gosses”. Sous couvert de refléter les aspirations au ras du bitume d’une génération biberonnée à Internet et aux jeux vidéo par des parents qui ont eux-mêmes abusé de la presse People et de la télé-réalité, ce film racoleur et horriblement mal interprété par une bande de singes savants en miniature souille le pseudo paradis de l’enfance jusqu’au mépris et à l’écœurement.
On se demande bien à qui s’adresse cet éloge de la médiocrité où, sous couvert de contribuer au journal de leur collège, des gamins des cités entreprennent de ruiner la vie de leurs aînés en les harcelant dans un baroud de revanche sociale parfaitement inepte. “La vraie vie des profs” est un film beauf et méchant qui érige la bêtise en dogme absolu, en banalisant des valeurs aussi délicates que le racisme ou l’homophobie. C’est bien simple, à côté de ce monument de vulgarité, “Neuilly sa mère” fait figure de maître étalon du bon goût.
À voir ces gamins s’acharner contre leurs professeurs, sous prétexte de singer un mauvais exemple qui vient d’en haut, on se dit qu’ils deviendront des adultes bien peu recommandables et qu’en cas de guerre, on pourra compter sur une nouvelle génération de délateurs et de collabos.
J.-P. G.
Écrivain et critique cinéma au Nouvel Observateur, dernier ouvrage paru : “Bernard Blier, un homme façon puzzle” chez Robert Laffont.