Le nanar du mois : “Une chanson pour ma mère”

Écrivain et critique cinéma au Nouvel Observateur, dernier ouvrage paru…
“Une chanson pour ma mère” de Joël Franka.
Il y a un an tout juste sortait “Torpedo”, un film belge subtil dans lequel un paumé entreprenait de convaincre Eddy Merckx de rencontrer son paternel au soir de sa vie. Dans “Une chanson pour sa mère”, c’est un autre cinéaste du plat pays, Joël Franka, qui accommode à sa manière ce thème, en remplaçant le père par une mère et le champion cycliste par le chanteur néerlandais Dave, histoire de capitaliser sur ses tubes inusables.
Mais ici, tout est forcé, à commencer par la description d’une improbable fratrie de beaufs qui se détestent cordialement et qu’on ne nous invite pas vraiment à aimer. Là où le sujet impliquait de la générosité, ce film rance s’attache à l’insigne médiocrité de ses protagonistes avec une complaisance d’autant plus consternante qu’il réunit une distribution dorée sur tronches où chacun semble livré à lui-même. Car comme de bien entendu, ces frères et sœurs, leurs conjoints et leur progéniture, sont aussi dissemblables que possible. Que dire de ce fils à la mine de chien battu qui a choisi les ordres et demeure fidèle à son vœu de silence ? Le cabot de service, c’est Patrick Timsit, jamais aussi mauvais que quand il n’est pas dirigé, comme c’est le cas ici.
On est en revanche un peu plus surpris d’y croiser également Sylvie Testud, subtile comédienne, incapable de recoller les morceaux d’un personnage à l’égard duquel elle manifeste visiblement peu d’empathie et pas davantage de pitié. À y regarder de plus près, Joël Franka avoue avoir profité de son statut de monteur sur l’émission de Frédéric Lopez “Rendez-vous en terre inconnue” pour recruter ses interprètes. Il faut dire toutefois à leur décharge que les comédiens ne peuvent pas grand-chose contre un scénario qui ne ménage personne et mouline son postulat de départ avec une insigne paresse. Du coup, passées des scènes d’exposition particulièrement pesantes qui accablent les personnages d’entrée de jeu, il n’est pas un rebondissement qui ne soit prévisible ou une réaction qui ne soit convenue. Comme si le réalisateur avait laissé les clés de son premier film à son casting sans réagir. Le dernier plan nous montre Dave prenant la poudre d’escampette sur un deux-roues. On aurait dû le précéder depuis longtemps. Ce film est une purge.
J.-P. G.
Écrivain et critique cinéma au Nouvel Observateur, dernier ouvrage paru : “Bernard Blier, un homme façon puzzle” chez Robert Laffont.