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Mimoun au Panthéon !

Mimoun au Panthéon !

Pas de semaine sans qu’une nouvelle proposition soit lancée pour transférer quelque glorieuse dépouille au Panthéon. Je cite en vrac Pierre Brossolette, Maurice Genevoix, Denis Diderot, Jean Zay, Aimé Césaire… Pour les femmes, il est question de Louise Michel, de Germaine Tillion, de Lucie Aubrac, de Simone Weil (sa presque homonyme est toujours vivante, mais on y pense déjà). J’ai une proposition très sérieuse à faire aux princes qui nous gouvernent, et je suis sûr qu’une modeste pétition lancée sur la Toile recueillerait instantanément des millions de signatures : Mimoun au Panthéon ! Ce petit homme (1,56 m) était un géant de l’athlétisme et l’un des plus grands Français de notre temps.

Deux ans après la honte de Diên Biên Phu, sa victoire dans le marathon historique des JO de Melbourne en 1956 redonnait à une patrie éprouvée son honneur et sa fierté. Et ouvrait la voie au retour du Général, l’une de ses trois idoles avec le Chevalier Bayard et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (né musulman, il s’était converti au catholicisme en 1955 et portait toujours sur lui une médaille de la patronne secondaire de la France). Natif d’El Telagh, près de Sidi Bel Abbès, il s’était engagé dans le Génie à 18 ans en 1939 pour découvrir la mère patrie. Manque de pot : pendant la drôle de guerre, il ne connut que la frontière belge avant de retrouver Alger et son régiment. En 1942, il devient champion de cross d’Afrique du Nord avant d’être envoyé sur le front de Tunisie pour y combattre l’Afrika Korps (Mimoun contre Rommel : on refait le match ?). Il est ensuite blessé à Monte Cassino, avec la 3e division d’infanterie algérienne et termine la guerre comme caporal-chef à Stuttgart en passant par la Provence et les Vosges.

C’est alors qu’il découvre vraiment la France. Pas sous son jour le plus avenant : garçon de café au Racing, il loge dans un deux-pièces pourri rue Simon Bolivar. Mais il s’est remis à courir et on ne l’arrêtera plus : il est champion de France du 5000 et du 10000 dès 1947. Il devient vite l’enfant chéri des Français. Après Melbourne, le président Coty lui offre sa première Légion d’honneur. Pompidou, Chirac et Sarkozy remettront ça. En 1999, il est désigné comme « l’athlète français du siècle », devant Guy Drut et Michel Jazy. Consécration largement méritée : il a voué sa vie à l’amour du sport, à l’amour de la France, à l’amour de la vie. À l’amour de sa femme, Germaine, une pimpante Corrézienne, morte quelques semaines avant lui. Et d’une morale impeccable, avec ça : s’il a un faible pour le champagne (« un élixir qui conserve et guérit de tout »), il est catégoriquement hostile au dopage. Rien qui fasse désordre dans ce parcours exemplaire. Marchais, ce triste collabo (de l’Allemagne nazie, puis de la Russie soviétique) a eu un jour ce cri du cœur : « Alain Mimoun appartient à toute la France ! » Il avait raison. Poussez-vous un peu, Hugo, Jaurès, Moulin, Malraux et tous les autres. Faites une petite place à notre dernier grand homme.
F.B.

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