Moi je ne sais pas, mais vous?

L’anaphore n’est pas seulement une figure de style, c’est aussi un style de gouvernement. On se souvient de « Moi, Président… », asséné quinze fois de suite par François Hollande lors de son débat télévisé contre Nicolas Sarkozy. Avec lui, tout serait plus propre, plus blanc, plus transparent. On connaît la suite. Beaucoup des petits copains de la promotion Voltaire de l’ENA, à l’exception bien sûr de Dominique de Villepin, ont trouvé pantoufle à leur pied. Même la belle Ségolène, à qui un poste de consolation pour répudiation a été consenti à la Banque Publique d’Investissement. Quant aux parlementaires socialistes, ils veulent bien se priver de quelques babioles, mais de là à rendre public leur patrimoine, à renoncer au cumul de leurs mandats et à tirer un trait sur leur régime de retraite dérogatoire, il y a un pas que bon nombre d’entre eux ne veulent pas franchir. Donc, disais-je, une autre anaphore rythme la geste élyséenne. C’est le « Moi, je ne sais pas, mais vous ? ». Débordé par ses propres inconséquences ou incohérences, comme par celles de son gouvernement, et en digne héritier du petit père Queuille, « Moi, Président… » décide, le plus souvent, de ne pas décider. Et confie le soin à des commissions, missions et autres comités Théodule de le faire pour lui ou ses ministres : sur la taxation à 75 % des clubs de football (Glavany), l’intégration (dossier confié à des associatifs), la moralisation de la vie publique (Jospin), la croissance (Gallois), la réforme pénale (conférence de consensus)…
Il est même question de remettre à plat, autre expression fétiche des socialistes, le droit de la mer ! Cela permet à « Moi, Président » de temporiser afin qu’il se fasse sa petite idée, d’éviter les coups en direct et, parfois, pense-t-il, de se décharger d’une improbable promesse. Ses derniers partisans saluent sa maestria, font l’éloge de son art de la synthèse, de son attachement à l’expression démocratique. En fait, cette méthode en loucedé de l’Élysée cache une absence de courage crasse.Le dernier exemple en date est un « marqueur de gauche », selon la formule consacrée : l’euthanasie. Le sujet donne lieu à un magnifique exercice de tango de la part du danseur Hollande, le roi du un pas devant, deux pas derrière. D’abord, il se garde bien de prononcer le mot quand il en fait l’engagement n° 21 de son programme présidentiel. Il écrit : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Une fois à l’Élysée, quelques militants de la cause lui rappellent sa promesse.
Alors, histoire de dire qu’il avance, il saisit le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Et déclare qu’il suivra son avis. Ledit comité s’exécute et prône une version molle – comme Hollande – de l’euthanasie. Puis finalement, deux précautions valant mieux qu’une, le CCNE, remanié entre temps, confie l’avorton, via l’IFOP, à une vingtaine de Français comme vous et moi pour une consultation citoyenne. La belle affaire. Verdict des citoyens : ben, pourquoi pas l’euthanasie après tout ? On en est là. La gauche, qui n’a cessé de tempêter contre la démocratie d’opinion du temps de Sarkozy, peut se vanter d’avoir un sacré chef : « Moi, Président », c’est « Moi, je ne sais pas, mais vous ? ». Quelle autorité !
Y.T.
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