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Oncle Phil’et JFK

Oncle Phil’et JFK

Le récit de Philippe Labro sur le président Kennedy est tout simplement épatant.

Kennedy, c’est lui comme Madame Bovary, c’est Flaubert. Cinquante ans que Philippe Labro écrit sur JFK. Cinquante ans qu’il scotche le lecteur. Oncle Phil’ entre chez vous, s’assoit près de la cheminée et commence son histoire avec scénario, dialogue et mise en scène : il était une fois John Fitzgerald Kennedy. Kennedy « magnétique » et sa « faculté de fabriquer du silence » Kennedy « sexy et comestible ». Kennedy perclus dans sa chair. Kennedy qui a toujours l’air d’un type qui vient de passer sa journée à la plage. La légende Kennedy, quoi : « Gagner, ce n’est pas tout, mais perdre, c’est l’enfer, loi d’airain du clan ». Il existe une face B que Labro réhabilite : Kennedy, cultivé, lecteur d’Homère et de Stendhal. Le 35e président des États-Unis a empêché une troisième guerre mondiale en octobre 1962. Il a réglé la crise des missiles de Cuba contre l’avis des militaires et de l’état-major.

Labro a 28 ans le 22 novembre 1963 à 12 h 30. Il enquête pour Cinq colonnes à la Une à Yale quand JFK meurt assassiné au Texas. Le jeune envoyé spécial de l’ORTF quitte dare-dare le Connecticut, roule vers New York, note « la silhouette d’un homme qui pleure, camionneur à l’arrêt » puis s’envole pour Dallas : « je crois que je n’ai jamais volé dans un tube d’acier aussi silencieux. » Labro cite Hemingway : « dire comment c’était ». Il aurait pu nommer Victor Hugo : Choses vues. Labro regarde et peint, façon Edward Hopper. Le portrait est son art. Il y a les visages et le décor, les corps et l’atmosphère. La limousine SS-100-X de JFK débouche sur Elm Street. Deux balles sont tirées. JFK meurt à l’hôpital Parkland. Air Force One transporte le cercueil. Lyndon B. Johnson prête serment sur la bible et Jackie est « choquée de découvrir la rapidité avec laquelle les Johnson se sont installés dans le carré qu’elle partageait avec son mari. » « Noblesse et solennité de Jackie Kennedy », elle refusera d’ôter le tailleur rose, maculé de sang : « je veux qu’on voie ce qu’ils ont fait ».Qui a tiré et pourquoi ? « Aucune preuve […] n’a pu valider une autre version que celle d’Oswald tireur isolé ». Oswald, archétype du raté, ivre de gloire et vrai minable comme la vie en fabrique à toutes les époques, est révolvérisé par un autre minus, Jack Ruby : « il puait la familiarité immédiate des gens de nuit ». Labro et Ruby passent des heures à poireauter dans le quartier général de la police de Dallas : « un bordel » qui rassemblait les flics, les journalistes mais aussi des « parasites » comme Ruby.

Oswald mort, « L’idée même de cet assassinat fait naître, dans la seconde, les premières hypothèses qu’il y a un complot ». Plus de 1400 ouvrages seront écrits sur JFK. Philippe Labro a interviewé ces obsédés du complot qui ont consacré leur vie à cette thèse. Le plus célèbre s’appelle Jim Garisson, procureur à New Orléans qui accusait un jour la CIA, l’autre, les milliardaires du pétrole texan d’avoir liquidé JFK : « je n’ai jamais cru à ce mythomane, ce paon, ce faiseur de vent, ce marchand de chimères. » Oliver Stone reprendra les théories de Garisson, « il a injurié l’histoire », et faussera pour toujours le jugement dans l’opinion. « Ne jamais s’ennuyer, ne jamais être frustré, ne jamais être seul » JFK répétait ses mots à ses amis. Depuis 60 ans, Labro applique la recette. Kennedy, c’est lui et son récit est épatant.
P.P.

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On a tiré sur le président, de Philippe Labro, Gallimard, 255 p., 20 €.

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