Orson Welles: Macbeth se met à table

Spécialiste de littérature anglo-saxonne, en particulier Shakespeare et Jane Austen,…
Numéro 86 – Littérature étrangère
Les confessions géniales et gênantes du grand et gros Citizen Kane.
C’est Orson qui en a eu l’idée. Un enregistreur qui tourne, un micro qui se fait oublier. Au génie, on doit l’éternité. Jaglom, un ami qui ne ressemblait à personne. Ni un lèche-botte, ni un fouille-merde. Un mec cool. Et des conversations qui s’envolent, brillantes, drôles, méchantes. Au restaurant français “Ma Maison” à L. A., entre 1983 et 1985, les deux amis déjeunent chaque semaine. Orson se donne, Jaglom prend tout. Quand il parle de Rita qu’il aimait tant parce que « personne d’autre que moi n’aurait pu prendre soin d’elle comme je l’ai fait ». Ou Garbo qui ne s’est pas gênée pour snober Dietrich venant lui faire deux ou trois compliments « Parfait, au suivant ». La tête de Marlene ! Et Clark Gable, ce « grand gaillard tout gentil » dont la femme est morte dans un accident d’avion abattu par les nazis. Ou Yul Brynner qui a fini par avouer un soir de grosse cuite qu’il n’avait rien d’un mongol ou d’un tzigane mais qu’il était tout bonnement… suisse ! La légende en prend un coup.
Mosley, un homme charmant, on en oublierait presque son côté fascisant. De Gaulle, quelle arrogance ! Les Français ? Des faux jetons. “Falstaff” devait remporter la Palme d’Or à Cannes, on a préféré le film d’un petit jeune d’une mièvrerie sans nom : “Un homme et une femme”. Le cinéma, quel cirque ! Welles est mort le 10 octobre 1985, une machine à écrire sur les genoux. Crise cardiaque ou dénouement inattendu ? Il reste Kane et le troisième Homme, les Ambersons et Othello, Macbeth, le Procès, Arkadin… Un tête-à-tête avec Orson, n’est pas suffisant, c’est toute une vie qu’il nous faudrait. Celle-là, ou une autre.
S. des H.
En tête à tête avec Orson, conversations entre Orson Welles et Henry Jaglom, éditées et présentées par Peter Biskind, traduit de l’anglais par Bernard Cohen, Robert Laffont, 366 p., 21,50 €.
Spécialiste de littérature anglo-saxonne, en particulier Shakespeare et Jane Austen, Stéphanie des Horts est chroniqueuse, romancière et scénariste. Après un parcours dans la communication, elle devient critique littéraire pour « Valeurs Actuelles », « La Revue Littéraire », « Le magazine des livres », « Côté Ouest » et « Stiletto », et collabore à « Service Littéraire » depuis l’origine. Elle est aussi jurée pour les prix littéraires Françoise Sagan et Cabourg, et lectrice pour les éditions 10/18 et Pocket.