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Pourquoi tant de E.N. ?

Pourquoi tant de E.N. ?

Frédéric Beigbeder n’est pas notre plus mauvais critique littéraire. Mais il n’est pas aussi bon qu’il le croit et l’air désinvolte et libre qu’il se donne dans le Figaro Magazine ne trompe pas : il a ses jalousies, ses haines, ses préjugés. Ses bêtises.

Il a cherché à « se payer » Eric Naulleau et il est évident, à le lire, selon l’alternative trop française de l’encens ou de la descente en flammes, que Beigbeder a préféré la prétendue drôlerie partiale et vindicative à l’équité intellectuelle. Bien sûr qu’Eric Naulleau a changé, s’est transformé. Même sur lui le temps a passé. Il a aimé des livres hier et il en aime d’autres aujourd’hui. Et alors ? Sa culture était plus élitiste, ses enthousiasmes, ses dilections ne le portaient pas vers les produits commerciaux mais vers les raretés précieuses. Depuis plusieurs années, il est devenu une personnalité médiatique. Sans l’once d’une vulgarité, sans rien renier, en demeurant l’être chargé, empli des admirations d’antan et prêt à s’ouvrir aux sollicitations populaires actuelles.

Et alors ? Pour ma part, je suis heureux d’être l’ami de cet homme qui a bougé, qui ne s’est pas contenté de faire le pied de grue dans une destinée quiète mais a pris le risque d’appréhender l’extraordinaire comme l’ordinaire. Et qui s’en est trouvé bien. Les voyages intérieurs sont les plus beaux, Eric Naulleau n’est pas encore revenu de ses errances passionnées, diverses, contrastées. Ce que Beigbeder n’a pas désiré comprendre parce qu’il aurait été, alors, trop proche de ce que lui-même pouvait avoir de meilleur, c’est que les multiples facettes d’Eric Naulleau non seulement sont sa richesse mais que leur dénominateur commun est précisément lui-même, qu’il représente le lien, le ciment, la passerelle entre tout ce qu’il était, ce qu’il est et ce qui adviendra de lui. La cohérence d’une destinée vient de celui qui l’habite.

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Enfin, il y a quelque chose de piquant à lire Beigbeder reprochant à Naulleau de trop jouir de l’air du temps et de se lover dans le cocon médiatique. Alors que le premier n’a fait que cela. Tant de E.N pour Naulleau ? Beigbeder ferait mieux de l’économiser, de s’économiser.
P.B.

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