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Quelques recettes pour tuer sa mère

Quelques recettes pour tuer sa mère

Éliminer sa maman avec humour, élégance et sans complexe.

Quiconque a un peu fréquenté Freud aura vite compris que tuer son père est pour un garçon la seule manière de devenir un homme. Il peut également l’enculer, professaient les tragiques Grecs, mais cela peut créer une proximité de mauvais aloi. L’affaire est donc entendue, mais le hic aujourd’hui c’est qu’il n’y a plus de pères. L’ordre patriarcal s’est effondré et nous voici donc un peu perdus face à la toute-puissance des mères. Heureuse époque que celle de Freud où les femmes étaient encore douces et soumises, soignant leur vieux père et priant Dieu. Freud ne nous est donc plus d’une grande utilité, mais heureusement Mélanie Klein veillait au grain : elle a donc fini le travail timidement entamé par son maître. Avec une radicalité incroyable, elle décrit les petits enfants comme des psychotiques – la folie est d’ailleurs au cœur de son œuvre –, la pulsion de mort comme l’élément régulateur des passions humaines et le matricide comme la nouvelle mission assignée aux enfants. Pour saper les fondements d’une société, on ne trouve pas mieux que Mélanie Klein ou Dorothy Parker.

Hervé Aram, humoriste distingué et disciple de notre cher Cioran, a compris tout le profit intellectuel, politique et personnel que chacun d’entre nous peut tirer non seulement de la lecture de Mélanie Klein, mais aussi de l’assassinat de sa propre mère. Il a donc créé à cette fin un club des matricides. Joyeux, certes. Car rien ne l’est plus que d’être enfin débarrassé de ces êtres encombrants, plaintifs et dépourvus de toute sensibilité que sont les mères. Cioran disait que si elles avaient un tant soit peu de sensibilité, elles avorteraient rien qu’en lisant le journal. Et ma pauvre mère – dont force m’est de reconnaître, honte â moi ! que je ne suis jamais parvenu à la dégommer… et ce n’est pas faute d’avoir essayé – soutenait que si les hommes avaient dû enfanter, il y a bien longtemps que l’espèce humaine aurait disparu… Il est vrai, à ma décharge, que je ne disposais pas d’un mode emploi efficace et décomplexé pour un matricide joyeux. Grâce à Hervé Aram, vos mères ne pourront plus vous en faire baver au quotidien et vous apprendrez comment vous en débarrasser en toute discrétion. Comme le dit Hervé Aram, ce n’est pas parce qu’on ne tue qu’une fois sa maman adorée dans sa vie qu’on doit prendre la chose au tragique et s’en faire un monde. Viendra le temps où l’on avouera entre deux remarques sur les saisons qui ne sont plus : « Aujourd’hui, j’ai tué maman. Ou hier, je ne sais plus. »
R.J.

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Le club des joyeux matricides, de Hervé Aram, L’Éditeur, 162 p., 14 €.

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