Qui va payer la fracture en France ?

Paoli fustige notre impudeur systématique qu’on présente comme de la liberté.
On dirait que la résistance s’organise. La cabale montée par l’ayatollah Sallenave contre l’entrée de Finkielkraut à l’Académie a été emportée par la violence même de ses arguments. Le fait que l’Académie soit décadente n’interdisait pas de la revigorer, après tant d’élections inappropriées. À vrai dire, c’est au sommet que cette institution aurait besoin d’être rajeunie, et qu’on cesse d’y confondre secrétariat perpétuel avec direction politique… Tout cela appartient au Malaise de l’Occident auquel Paul-François Paoli consacre son dernier livre. J’en contesterai seulement le sous-titre : “Vers une révolution conservatrice”, car cela renvoie à une éphémère idéologie américaine qui n’a pas laissé de bons souvenirs. Passons. Voilà un opuscule qui devrait être distribué aux enfants des écoles plutôt que le catéchisme réactionnaire de Vincent Peillon. « La force de la gauche, note l’auteur, est l’intimidation qui ne fonctionne que parce que la droite est intimidable, car incapable de penser par elle-même. » Ce qui devrait donner à réfléchir à cette gauche de rencontre, c’est que pour l’irrécupérable gaulliste que je suis, qui a voté trois fois pour François Mitterrand par dégoût de Giscard puis de Chirac, cette gauche se trouve aujourd’hui irréconciliable avec moi, ou plutôt moi avec elle. Elle a, notamment avec le mariage génétiquement modifié, coupé tous les ponts avec la France pour tous. Pourquoi François Hollande l’a-t-il fait alors qu’il s’en foutait ? Parce qu’il savait qu’il trahirait toutes ses autres promesses, même les réalisables (comme de renégocier le « pacte budgétaire »). C’était l’os à ronger pour les gauchos libertaires qui ne représentent à peu près rien, mais font du bruit à proportion inverse de leur existence politique.
La morale de Jules Ferry, c’était, selon lui-même, la « morale de nos pères ». Une vraie laïcité pour tous. L’auteur rappelle que Lévi-Strauss a « fait beaucoup plus que mettre en cause la doxa universaliste qui est celle de la gauche et de la droite libérale ». On ne peut à la fois se vouloir libre et irresponsable. Paul-François Paoli ajoute : « L’impact de Sarkozy s’explique par cela : si cet homme a autant fasciné, c’est que sa personnalité narcissique était en phase avec un certain exhibitionnisme ambiant. (…) L’individualisme postmoderne ignore la frontière entre sphère intime et espace public. » L’auteur fustige le relativisme de notre temps et cette impudeur systématique qu’on présente comme de la liberté et de la transparence. « Si l’on ne croit pas, écrit-il, à une vérité transcendante à l’histoire, il est problématique de souscrire à des idéaux collectifs. (…) Car qui dit athéisme radical dit aussi relativisme radical. » Ce qui fait la force, la richesse et sans doute la provocation de ce livre, c’est la puissance de conviction qui le porte. Pour l’auteur, « deux conceptions fondamentales se confrontent : la logique aristotélicienne du droit naturel propre aux catholiques, aux juifs, aux musulmans, aux penseurs classiques, et celle des postmodernes qui prétendent construire un monde sur le contrat et la convention. » Il me semble n’en avoir pas assez dit tant l’ouvrage est riche et foisonnant. Un livre de chevet pour Mlle Fourest. Donc pour tous.
P.S.R.
Le Malaise de l’Occident, de François-Paul Paoli, Pierre-Guillaume de Roux, 303 p., 22 €.
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