Tous les rameaux de l’Olivier

En bon disciple de Cioran et de Muray, Bardolle distribue quelques horions.
La vie des hommes, telle que nous la connaissons depuis quelques milliers d’années, est en train de prendre fin. Le basculement s’est produit au tournant de la fin du xxe et du début du xxie siècle, sous l’impulsion des combats d’arrière-garde de l’Histoire et de la déferlante des nouvelles technologies. Nous sommes désormais entrés dans l’après-Histoire ou la posthumanité. Une ère nouvelle caractérisée par les impératifs de la mondialisation et de l’indifférenciation. Sur les ruines des vieilles identités et des singularités obsolètes nous assistons à l’émergence d’un « brave new world » à l’enseigne d’un nihilisme « soft » d’inspiration bouddhique, où le « lâcher-prise » se substitue à la confrontation et à l’« âgon » qui avaient fait la grandeur et le malheur de la civilisation occidentale.
Tel est le constat clinique dressé par Olivier Bardolle au fil de ses essais depuis une dizaine d’années. Pour le plaisir de ses lecteurs et l’édification improbable, – mais sait-on jamais ? – des nouvelles générations il a réuni en un gros volume une demi-douzaine d’entre eux, “Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines”, “Petit traité des vertus réactionnaires”, “La vie des jeunes filles”, “L’agonie des grands mâles blancs sous la clarté des halogènes”, “La littérature à vif”, et “Le monologue implacable”. Ainsi rassemblés, ils constituent à la fois une précieuse grille de lecture du monde où nous vivons, un inventaire anthume de celui que nous avons perdu, et une satire réjouissante de la « mondialisation heureuse ».
Dieu merci, Olivier Bardolle ne propose pas de solutions et ne délivre pas d’ordonnance. Il ne prétend pas nous guérir de l’inconsolable, mais se contente, sans pathos ni effets de manche, de nous faire regarder en face le principe de réalité que les politiques et les marchands d’illusions de toutes sortes s’emploient à escamoter en prestidigitateurs plus ou moins convaincants. Un bréviaire de survie pour temps de désastre à garder à portée de main, non loin des livres de Cioran, de Baudrillard et de Muray.
B. de C.
La vie des hommes, d’Olivier Bardolle, L’Éditeur, 796 p., 20 €.