Trierweiler lui fait le coup du père François

Écrivain et journaliste, vient de publier le “Dictionnaire d’un peu…
La lamentable histoire du président et de l’envoyée spéciale sous la couette.
Pendant dix ans, sur les rives d’un marigot, au Pays du Sourire (PS), le crocodile et la putois se sont aimés. Du coin de l’œil. Lui, Pépé le Croco, un bon gars porté sur la gaudriole, toujours prêt à se débiner sans jamais claquer la porte et à regrimper en douce, ses pantoufles à la main. Elle, Dame Putois, altière, adjupéte et royalement chieuse, qui se tricotait un grand destin. À Dame Putois, il a fallu dix ans pour découvrir que Pépé le Croco était un sale type. Un fourbe, un lâche, un sournois sans un brin d’humanité, un reptile à épines, sans pitié pour les pauvres qui n’ont pas de crocs dans le moule à gaufres, un faux derche qui se fiche comme d’une guigne des handicapés, un snobinard qui crache sur les belles-mamans caissières honoraires de grande surface, et pire que tout, un pipeur, un endormeur, un embabouineur de première dont on ne peut même pas croire le contraire de ce qu’il dit.
Les putois, quand ils sont vraiment contrariés, ont une arme secrète : une glande qui libère une puanteur épouvantable. Cette fois, c’est le pays tout entier qui a dû se boucher le nez. « L’enfer n’a pas de fureur égale à celle d’une femme délaissée ». Cette bouillante formule, délivrée par un obscur dramaturge de la période élisabéthaine, saisit sur le vif les écoulements sauvages d’une plume trempée par Mme Trierweiler dans le jus amer de la trahison et de l’humiliation. La vengeance n’est d’ailleurs pas méprisable : bien qu’elle ne répare rien, c’est une passion juste lorsque son objet, lui-même, est coupable. Quand la comtesse Livia, l’héroïne du chef-d’œuvre de Visconti, “Senso”, dénonce comme déserteur et fait exécuter son cher amant le lieutenant Mahler qu’elle surprend en compagnie d’une prostituée, mais qui surtout a volé l’argent qu’elle destinait aux patriotes italiens, c’est notre cœur à nous qui est brisé.
L’arlequinade de Mme Trierweiler ne risque pas de briser le mien mais plus encore que l’amante bafouée (elle-même n’avait pas pris de gants pour démolir Ségolène Royal), c’est la journaliste qui m’intéresse. C’est en reporter qui n’a pas passé pour rien vingt années de sa vie au service politique de Paris-Match qu’elle s’est délibérément plongée dans un reportage au cœur de son couple brimbalant. Au-delà de la femme en pleurs, il y a la professionnelle qui tape là où ça fait mal. Très mal. Notamment sur trois points dévastateurs pour la carrière de ce président low cost. Le bon petit père de la Nation, héritier de Jaurès, se moque des pauvres (les « sans dents »)… Le croisé de la cause des femmes est un macho dans la lignée du beauf de Cabu… Et pire que tout, chez lui, le mensonge est partout : à la maison, sous la couette, sur les tréteaux, micro en main et sous les ors de la République, au palais de l’Élysée. Du mensonge, il a fait le levier suprême du pouvoir.
C.M.
Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiler, Les Arènes, 320 p., 20 €.
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Écrivain et journaliste, vient de publier le “Dictionnaire d’un peu tout et n’importe quoi” au Rocher.