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Viens donc danser, July Larousse !

Viens donc danser, July Larousse !

L’ancien patron de Libération y va de son dictionnaire amoureux des journaleux. Après Dany (le rouge ?), il est aisé de sortir son July (Serge) pour se payer une tête d’ancien jeune turc de mai 68. Et de canarder les bouillants contestataires qui ont viré notables et notaires. Mais on peut aussi, au-delà d’une solidarité générationnelle, éviter cette foire aux préjugés et saluer le boulot, chapeau coco. Trente-trois ans à diriger un journal aussi singulier que Libération, cela vous classe un professionnel de la profession en même temps qu’une forte nature pleine d’insolences et d’inventions. Et c’est ainsi que le “Dictionnaire amoureux du Journalisme” a été confié à un vieux soupirant de la chose transformé en bénédictin. Le résultat vaut son pesant d’érudition. Sans oublier la nécessaire subjectivité où l’auteur, tel Valéry (Paul), reconnaît qu’il n’est pas toujours de son avis. Cela tombe bien, le lecteur aussi.

Dès l’entrée sur A bas les journalistes, un florilège rappelle ou révèle combien le journalisme, plus près de la cote d’alerte que celle d’amour, a toujours su stimuler les procureurs, y compris un certain Voltaire : « La presse, il faut l’avouer, est devenue l’un des fléaux de la société et un brigandage intolérable ». À elle seule, la traversée de la lettre C, de Café du commerce à Curiosité, en passant par l’immense Albert Camus, sans oublier la Claviste et la Connivence, devient une dégustation. Nous avons un faible pour la Communication, cette épidémie qui « rend suspecte toute information ». Plus loin, Jean-Paul Sartre, évidemment, tient la place de saint patron non sans être remis en question, par exemple pour son “Retour d’URSS” en 1954 où « il est stupéfiant d’aveuglement ». Mais le morceau de bravoure s’étale sur la quinzaine de pages consacrées à Révolution 89 où il est raconté, glacial inventaire, comment « ces libérateurs de la parole inventent la liberté d’expression et, dans un même mouvement, réintroduisent la censure et la pire de toutes, celle de la guillotine ». À noter que notre révolutionnaire de 68, réincarné en July Larousse, a bouclé son affaire avant la tragique intrusion des fous d’Allah dans une conférence de rédaction. Il y a là, au fil de ce nécessaire exercice, matière à réflexion.
C.M.

Dictionnaire amoureux du Journalisme, de Serge July, Plon, 917 p., 25 €.

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